Parlons d’un loisir relativement nouveau : la pêche à l’aimant, ou magnet fishing.
Non, je ne parle pas des jeux pour enfants de pêche magnétique en bois !
Je vous parle d’une pêche à l’aimant dans laquelle on retire vélos, moteurs, cadenas, déchets métalliques… pour dépolluer les lacs et rivières… et éventuellement trouve des trésors (ce qui pose d’autres problèmes, j’y reviens plus tard).
L’activité n’est pas nouvelle : ouvriers et plongeurs récupèrent depuis des décennies les objets tombés grâce à des puissants aimants. Ce qui est nouveau, c’est son engouement grand public, la pêche à l’aimant de loisir, pratiquée par des pêcheurs, des détecteurs de trésors, mais même aussi par les enfants dans certains centres de vacances !
Vous ne découvrirez pas de pièces d’or ou d’argent, puisque les aimants n’attirent que les objets métalliques ferreux, mais aussi le nickel et le cobalt, et éventuellement les alliages.
Le matériel pour la pêche à l’aimant
Le plus simple si vous débutez est d’acheter un de ces kit aimant néodyme + corde (+ éventuellement gants).
Un aimant puissant
Bien entendu, l’aimant devra être fort (quelle frustration de ne pas pouvoir sortir une grosse pièce et de devoir se contraindre aux cadenas !) et solide (ne pas se briser lors des chocs sur les rochers par exemple).
On n’utilise pas un aimant classique, mais un aimant à base d’une terre rare, le néodyme, allié à du fer et du bore ou du nickel. On obtient alors un aimant beaucoup plus puissant qu’un aimant classique pour un même volume et une même masse.
La force d’adhérence est le critère le plus important. Elle peut aller jusqu’à une tonne ! Mais elle est proportionnelle au poids de l’aimant : il faut pouvoir ressortir l’aimant et sa prise… Pour un usage de loisir, on conseille en général une force proche de 200 kg, correspondant à des aimants pesant 700 g environ.
Attention : la « force » (exprimée en kg, ce n’est pas logique mais c’est comme ça) indiquée ne correspond pas au poids maximal que vous pouvez retirer ! C’est la traction verticale exercée sur une plaque d’acier épaisse de 3 cm. En pratique, la force effective dépendra de l’épaisseur de la pièce à soulever, de la position des matériaux ferreux par rapport au centre de gravité de l’objet, et de la direction de la traction (la force de traction horizontale est environ d’un tiers de la force verticale : le risque de décrochage est plus fort !)
Il existe également des systèmes à double accroche, la seconde permettant d’orienter la prise pour un meilleur retrait ou pour éviter les cordes coincées.
Une corde et son mousqueton
C’est l’élément le plus sensible. Vous pouvez utiliser des cordes d’escalade ou de parachute. En polyester ou en nylon, visez un diamètre d’au moins 10 millimètres, vous pouvez allez jusqu’à 5 centimètres en cohérence avec la puissance de votre aimant et l’environnement dans lequel vous allez pêcher (elle ne doit pas se couper en passant dans les rochers).
Sa longueur idéale dépend de votre usage, mais vous ne ferez pas d’erreur avec une corde plus longue que prévu. 10 mètres est un minimum, 20 mètres est un standard si vous souhaitez lancer loin des berges, mais aussi pour pouvoir tirer à plusieurs.
Des gants de travail / de chantier
Si le kit n’en contient pas (ou si vous pêchez à plusieurs), ces gants seront utiles pour tirer sur la corde sans vous blesser et pour éviter les blessures liées à la manipulation des nombreux objets métalliques plus ou moins tranchants que vous sortirez de l’eau.
Une trousse à pharmacie
Même avec des gants, la pêche à l’aimant peut entraîner son lot de coupures et de petites blessures. Désinfectant et pansements font partie du kit des indispensables !
Vous ne voulez pas toucher le volant de votre voiture avec des mains poisseuses… prévoyez un gel hydroalcoolique si vous ne gardez pas vos gants en permanence.
Un couteau
Car vous pourriez avoir à couper votre corde pour la libérer, mais aussi couper des algues ou des filets entortillés…
La pêche à l’aimant de loisir, un loisir écolo ?
Lorsque j’ai entendu parler de la pêche à l’aimant pour la première fois, j’ai trouvé ça génial, altruiste, un peu comme ces sorties où chacun vient avec un sac poubelle et enlève les déchets d’un parc ou d’une promenade…
Et quand j’ai vu que certains ressortaient avec de véritables trésors, pièces anciennes, artefacts, ou simplement vestiges industriels chargés d’histoire même s’ils n’ont pas de valeur monétaire… cela a fait briller mes yeux.
Mais j’ai vite déchanté, et aujourd’hui mon sentiment est plutôt mitigé. Je vais vous expliquer pourquoi dans un instant.
Il faut aussi penser au retrait de l’objet : traîner au fond de l’eau une grande masse, parfois à de nombreuses reprises, c’est potentiellement détruire des micro-écosystèmes…
Est-ce autorisé ?
Contrairement à la pêche de poissons ou de végétaux, il n’existe aucune licence, aucun permis à posséder pour pratiquer la pêche à l’aimant.
Bien sûr, les pratiquants mettent en avant l’aspect dépolluant de cette activité. Et ils apprécient de conserver en souvenir les diverses trouvailles qu’ils sortent de l’eau : ciseaux, barbelés, hameçons, vélos, pistolets, couteaux, fourchettes, clous, outils, coffre-forts, grenades, motos, moteurs… Est-ce pour autant gagnant-gagnant ?
On ne trouve aucune mention spécifique de pêche magnétique dans les textes de loi, mais le Code du Patrimoine suffit pour nous indiquer l’esprit dans lequel elle doit être pratiquée. Ce texte réglemente notamment la prospection par détecteur de métaux :
Article L542-1 du Code du Patrimoine (reprenant la loi 89-900)
Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche.
À terme, nul doute que la pêche à l’aimant sera probablement fortement réglementée ou interdite. C’est déjà le cas dans certains départements et certains cours d’eau, et elle est dans tous les cas interdite dans les sites archéologiques et les zones de frai (reproduction des poissons).
En effet, si retirer des vélos et des cadenas contribue à l’assainissement des cours d’eau, elle vient avec son lot d’inconvénients qui, bien souvent, compensent ses bienfaits.
La pêche à l’aimant pose un risque pour les écosystèmes
On ne déplace pas impunément des grandes masses sans déranger des écosystèmes. Parfois, la vie sous-marine, tant végétale qu’animale, s’est adaptée à l’objet… et parfois même elle en dépend ! Retirer un objet massif sous prétexte qu’il est en métal n’est pas toujours une bonne idée.
La pêche à l’aimant pose un risque pour la sécurité
Que faire si vous trouvez des armes, un obus ou des munitions ? Les rejeter à l’eau ? Les garder comme souvenir ? Les déposer dans une poubelle ? Ce sont des objets dangereux qui doivent être traités par des personnes formées et capables de le faire.
Un autre risque est lié à l’aimant lui-même. Les aimants au néodyme sont si puissants qu’ils peuvent modifier l’aimantation des appareils électriques et électroniques, et même de certaines pièces mécaniques. Attention évidemment aux stimulateurs cardiaques (pace-makers).
… et bien sûr au risque de noyade !
La pêche à l’aimant pose un risque pour la justice
Je n’ai pas trouvé de meilleur titre !
L’idée est que toutes les armes ne sont pas des reliques historiques. Un pistolet ou un simple couteau de cuisine peuvent être des preuves pour un crime. Sans aller jusque là, les petits objets peuvent être des possessions appartenant à une personne disparue ou noyée, et apporter des indices pour sa recherche. Bref, ne dérangez pas les preuves ! Appeler la police ou la gendarmerie dès que vous trouvez une arme ou un objet suspect doit être un réflexe.
Regardez cette vidéo qui vous parle spécifiquement du sujet d’un fusil de chasse trouvé dans un canal de la Marne (12 minutes 28).
La pêche à l’aimant pose un risque pour l’archéologie
Eh oui, c’est bien gentil de récupérer des trésors, mais certaines choses nécessites d’être retirées par des professionnels. Et appartiennent à un musée ou à des chercheurs (pour paraphraser Indiana Jones, qui n’est pas le premier à piller des sites). Lors de la découverte d’une pièce historique, le premier réflexe doit être de ne rien toucher, car la disposition des éléments a une importance ! Or, le pêcheur amateur tentera plutôt de parcourir la zone pour voir s’il y a autre chose, et retirer le maximum.
La pêche à l’aimant pollue
Que se passe-t-il si votre corde reste coincée ? Si, pêcheur débutant, vous laissez tomber votre aimant dans l’eau à cause d’un mauvais nœud ? Laisser un aimant super puissant au fond de l’eau n’est pas sans conséquence, de nombreux animaux utilisent le champ magnétique pour s’orienter, vous envoyez des terres rares dans l’eau, etc. Il vous faut alors un deuxième pêcheur pour vous aider…
Enfin, que faites-vous des gros déchets ? Si vous récupérez un moteur de voiture, vous en faites quoi ? Le rejeter n’est pas une solution : vous avez abîmé l’écosystème alentour en le retirant, vous aurez alors fait tout ça pour rien… Une pêche responsable doit être accompagnée d’un voyage à la déchetterie, d’une revente chez un ferrailleur ou d’un recyclage général : donnez les appâts à un pêcheur par exemple.
En bref : autorisation indispensable !
Idéalement, vous devriez planifier une opération dépollution (à la manière des marches pour récupérer des déchets) récupérer des vélos qui traînent dans le fleuve, déclarer en mairie ou obtenir l’accord du propriétaire en cas de lieu privé.
Pratiquez la pêche à l’aimant de façon responsable !
J’ai tenu à évoquer le sujet ici car il m’inspire des sentiments mitigés. J’aime l’idée de sortir des déchets des rivières, mais je me rends compte que les risques sont supérieurs aux bénéfices si cette pêche n’est pratiquée de façon raisonnable ou encadrée.
J’espère que la régulation évoluera pour l’encadrer strictement sans toutefois l’interdire. En attendant, ne pratiquez cette pêche que dans des conditions réelles de dépollution. Un éventuel trésor (même symbolique) doit être la cerise sur le gâteau, votre objectif premier doit être la dépollution responsable des cours d’eau.
Comportez-vous comme des gardiens de l’environnement et pas comme des pilleurs. C’est la seule manière de rendre cette pêche durable et d’éviter son interdiction.
Bloggeur passionné de développement durable et d’autonomie, je rends compte de mes lectures sur le web et de mes expériences en matière de frugalité et d’énergies renouvelables.
Votre commentaire est à mon avis incomplet et surtout porte à faux et met du coup les pêcheurs du côté des méchants
Trainer un poids au fond de l’eau ne détruit pas les écosystèmes c’est faux bien au contraire la quantité de piles au fond de l’eau cela oui détruit !!
Un aimant perdu ? …… Au prix de l’aimant le pêcheur va tout faire pour le récupérer quitte à ce mettre à l’eau s’il en a la possibilité.
Que devez vous penser lorsque de grands techniciens de l’environnement font curer les ruisseaux pour éviter les inondations ?
Alors que de ce fait ils détruisent tout ….. plus de méandre plus de frayère de simple canaux pour faire partir l’eau le plus vite possible ?
Que pensez vous de l’arrosage à outrance qui assèche les cours d’eau et laisse les poissons sur le fond ?
Tout les rejets d’usines ou autres épurations ? …… Mais bien sûr chacun place l’écologie si il en retire un bénéfice !!!
Alors que le pêcheur à l’aimant est un bénévole de l’environnement ….. Mais ça ce n’est pas normal
Bonjour
Vous êtes très mitigé mais tout dépend de où on pratique. Personnellement je pêche dans un canal qui date de 1970, donc déjà niveau archéologie il ne peut rien y avoir. Il n’y a pas de végétation aquatique vu le nombre impressionnant de grosses péniche qui passent. Il y a très peu de poissons, ce sont les rares pêcheurs qui le disent, vu la pollution qu’il y a. Et je retire énormément de détritus en tout genre, vélos, barrières, caddies, morceaux de voitures etc…. Du coup je trouve que ce que je fais ne peut être que bénéfique 🙂