Le goût du bio : le bio est-il meilleur pour… (la santé, l’environnement, le goût…) ?

Fruits et légumes sur une table

Le bio, c’est de l’amour et du bonheur pour la planète, vraiment ?

Si vous consommez des produits bio, vous avez sans doute, comme moi, quelques idées reçues en tête.

L’impression que les produits ont été cultivés avec amour, dans le respect de l’environnement, avec des marges équitables tout au long de la chaîne, qu’ils sont meilleurs en goût et bons pour la santé…

Après, j’ai eu quelques doutes lorsque j’ai vu que les rayons grandissaient à vue d’oeil dans les supermarchés, que Monoprix a racheté Naturalia, et que l’on trouvait du bio de provenance lointaine.

Autant je m’imaginais qu’en France ou Allemagne, le bio ressemblait à quelque chose, j’avais plus de mal à m’imaginer à quoi ressemblait la production de produits biologiques d’origine « UE et non-UE » (ce qui ne veut strictement rien dire) dont raffole la grande distribution.

Alors j’ai mené une petite enquête pour répondre aux questions que je me posais.

Je vous partage les réponses que j’ai trouvées. N’hésitez pas à commencer et à participer à la discussion !

Un bref rappel sur le bio

Je cite pour cela Christian Rémésy, ancien chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), nutritionniste et auteur de L’Alimentation durable, pour la santé de l’homme et de la planète.

Le bouquin est en rupture mais vous pouvez l’avoir pour pas cher dans les occasions Amazon :

Rémésy résume le bio de façon très claire :

« Le cahier des charges de l’agriculture biologique ne s’est pas construit avec des “plus”, mais avec des “moins” : interdiction des pesticides, des nitrates, des OGM dans les cultures et les élevages. Le label bio n’exige pas des nutriments plus riches, ni des saveurs d’antan, ni une origine locale, ni une saisonnalité. »

Autrement dit, le bio peut très bien être utilisé en culture intensive, sous serre, hors saison, lointaine… Les produits bio peuvent donc présenter les mêmes travers environnementaux que l’agriculture intensive. Bon, tout n’est pas exactement pareil que dans le conventionnel évidemment. Nous reparlerons des réelles différences plus bas.

Le bio a-il meilleur goût ?

Selon le baromètre CSA 2010 pour l’ Agence bio, 59 % des acheteurs de bio justifient leur achat par un « meilleur goût », et 89 % évoquent « la qualité et les saveurs ».

Le bio a-t-il meilleur goût ?

La réponse est non

Les tests en double aveugle n’arrivent pas à démontrer que la supériorité du bio en matière de goût.

En revanche, puisque le goût est subjectif, croire que les produits bio sont meilleurs et savoir qu’un produit est bio peut (éventuellement) suffire pour créer un meilleur goût. Eh oui, tout se passe dans le cerveau 🙂

Peut-on en conclure que le bio est meilleur au goût ? À chacun de voir. Mais un produit de saison, mûr comme il le faut, sera toujours meilleur qu’un produit qu’on a cueilli trop tôt et qui a parcouru 10 000 km dans une container à atmosphère contrôlée, avant d’être rentré et sorti pendant 15 jours au supermarché. Bio ou pas bio.

Consommer bio est-il meilleur pour la santé ?

Plusieurs études ont tenté de savoir si la composition des fruits et légumes bio était sensiblement différente que les mêmes en version non bio, et si la consommation de produits bios apportaient un avantage nutritionnel et sanitaire.

Citons par exemple :

Evaluation nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique
Edition : Maisons-Alfort : Agence française de sécurité sanitaire des aliments – 2003
https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT-Ra-AgriBio.pdf

Le point sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique. Cahiers de nutrition et de diététique
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007996010000283

Ces études concluent que les différences entre bio et non bio sont mineures, et sans conséquences nutritionnelles ou sanitaires significatives :

  • Les fruits bio ont environ 10% à 15% de polyphénols en plus (mais pas en caroténoïdes)
  • Les céréales bio ont légèrement moins de protéines
  • Il y a en général un peu plus de vitamine C dans certains fruits bio
  • Il y a en général un peu plus de magnésium et de fer dans certains légumes bio
  • Il y a en général moins de résidus de pesticides de synthèse dans certains produits bio.

D’autres études ajoutent les compléments suivants :

Il y moins d’eau dans les fruits et légumes bio

C’est vrai : il y a 30% d’eau en moins dans les fruits et légumes bio, d’où une meilleure densité nutritionnelle, et éventuellement un meilleur goût.

Il y a davantage d’omega-3 dans les produits laitiers bio

https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-017-0315-4
« Les produits laitiers biologiques, et peut-être aussi les viandes, contiennent plus d’acides gras oméga-3 que les produits conventionnels. Cependant, ces différences ont probablement une signification nutritionnelle marginale »

Il y a moins de pesticides dans l’alimentation bio

Dans l’Union européenne, 385 produits phytosanitaires (insecticides, herbicides, fongicides) sont autorisés pour l’agriculture conventionnelle, contre vingt-six pour le bio, ces derniers étant par ailleurs moins toxiques. En toute logique, plus ou mange bio, moins on s’expose aux pesticides.

Il y a moins d’antibiotiques dans les viandes bio

Enfin, et cela s’adresse surtout aux non végétariens bio, le bio permet les antibiotiques, mais en curatif uniquement. Cela change de l’élevage traditionnel où un cocktail d’antibiotiques est systématiquement administré en préventif, ce qui le passe dans notre alimentation tout en augmentant la résistance des germes aux antibiotiques.

En conclusion : le bio et la santé

Oui, le bio est donc (légèrement) meilleur pour la santé, sans toutefois que cela soit significatif. La qualité des produits et la diversité de l’alimentation auront au long terme davantage d’effet que le bio/non bio.

D’autres études démontrent que c’est surtout le stade de maturité des produits, leur lieu de production, la saison, le lieu de culture, la variété, qui jouent sur ces facteurs, davantage que le caractère bio.

Autrement dit, des fruits de saison seront toujours meilleurs que des fruits hors saison.
Si le bio est parfois meilleur traditionnellement, c’est grâce à un meilleur respect des maturités naturelles du fruit, et éventuellement à des variétés sélectionnées, qui ont un caractère moins industriel.

En revanche, il serait aussi plus souvent contaminé par des bactéries (EColi), même si ces études sont en général commandées par les géants de l’agroalimentaire.
Epouvantail ? Conflit d’intérêt ? Impossible à savoir.

Après on parle ici des fruits et légumes. Les effets d’un produit transformé sur la santé dépendent surtout de ses caractéristiques nutritionnelles. Vous nourrir de burgers au soja bio, de pâtes bio et de biscuits bio ne vous fera pas vraiment du bien.

Le bio est-il meilleur pour l’environnement ?

Dans l’esprit d’origine du bio, l’agriculteur ou l’éleveur choisit ses variétés et ses races en fonction des zones géographiques, en tenant compte des sols, des insectes présents, des pollinisateurs, des auxiliaires de lutte contre les ravageurs… tout en préservant la qualité de sa terre et en veillant à préserver la ressource en eau. Ca c’était l’esprit du bio.

En pratique maintenant, l’agriculture bio est de plus en plus intensive, et je doute fort que chaque producteur travaille avec l’intention délibérée de préserver la planète. S’il y a une priorité entre pérenniser son exploitation et y aller mollo pour protéger la planète, je pense qu’il privilégiera, en toute logique, son exploitation.

Mais revenons à la théorie. Si l’on en croit la FAQ sur le bio de la FAO (Nations Unies, on en pense ce qu’on veut hein 🙂 ), les avantages du bio sont :

Le bio et la biodiversité

En théorie, en privilégiant des semences traditionnelles (non OGM) et adaptées à la région, le bio préserve la biodiversité. L’absence de produits chimiques permet de créer un écosystème favorable autour des plantations, tant pour la flore que la faune. La lutte aussi naturelle que possible contre les pesticides s’inscrit dans le cycle de la vie : les prédateurs se nourrissent de ravageurs.

Voilà la belle histoire qu’on nous raconte.

Qu’en est-il vraiment ?

Certes, le bio n’utilise pas de pesticides, de produits chimiques de synthèses et d’insecticides chimiques, soit. Mais tout ce qui est naturel n’est pas forcément sans danger. Les insecticides sont destinés à tuer des insectes : un pesticide bio est toujours toxique, c’est sa raison d’être ! Et s’il est moins toxique, il doit être utilisé avec des doses plus élevées pour être efficace (sinon le rendement chute dramatiquement). En agriculture un nuisible reste un nuisible…

Quels sont les pesticides utilisés pour le bio ?
La liste est ici (guide des intrants utilisables en agriculture biologique).

On trouve par exemple le spinosad, issu de la fermentation d’une bactérie présente dans le sol. Tout comme les néonicotinoïdes, ce produit agit sur le système nerveux central des insectes. Il est donc toxique, voire très toxique pour les pollinisateurs : abeilles et bourdons, à la fois par contact direct et par ingestion de pollen ou de nectar. Autrement dit, un champ traité au spinosad bio devient un piège dangereux pour les pollinisateurs.

Les pesticides bio présentent autant de dangers que les pesticides chimiques, et leur plus faible nocivité apparente est compensée par le besoin d’en appliquer plus fréquemment ou avec des doses plus élevées.

Et pour ceux qui souhaitent éviter Bayer et Monsanto, c’est raté : Bayer commercialise toute une gamme de pesticides bio qui arrosent sûrement les légumes de votre AMAP !

Le bio et les sols

Le bio renforce la qualité des sols grâce à la rotation des cultures, les cultures intercalaires, les associations symbiotiques, les cultures de couverture, les engrais biologiques et le labourage superficiel des terres… La lutte contre les mauvaises herbes se fait à base de paillage et non de désherbant. En outre, les techniques utilisées contrôlent l’érosion.

Enfin, c’est toujours en théorie.

Le bio et l’eau

Les engrais et pesticides de synthèse qui viennent polluer les nappes phréatiques, par eutrophisation par exemple. Avec le bio, ces produits sont interdits, la qualité de l’eau pour les habitants dépendant de ces nappes est donc préservée. C’est un bon point pour le bio ! Mieux vaut habiter dans une zone où l’agriculture est bio.

Le gouvernement préconise aussi la créations de zones d’agriculture bio dans les zones où l’eau est très polluée.

Le bio et la qualité de l’air

L’agriculture biologique diminue l’utilisation des énergies non renouvelables en réduisant les besoins de produits agrochimiques (qui exigent de produire de grandes quantités de combustible d’origine fossile). L’agriculture biologique contribue à atténuer les effets de serre et à réduire le réchauffement de la planète grâce à sa capacité à éliminer le carbone des sols. De nombreuses méthodes de gestion utilisées en agriculture biologique (labourage minimum, réintégration des résidus de récoltes dans le sol, utilisation de cultures de couverture, rotations, plus grande intégration de légumineuses fixatrices d’azote) permettent d’accroître le retour du carbone dans le sol, augmentant ainsi la productivité et favorisant la rétention de carbone.

Le bio et les antibiotiques

Le bio, qui n’utilise des antibiotiques sur les animaux qu’en curatif et non en prévention, permet d’éviter l’augmentation de l’antibiorésistance, le phénomène qui rend les bactéries de plus en plus résistantes aux antibiotiques par un phénomène de sélection naturelle (les antibiotiques ne tuent pas toutes les bactéries, celles qui restent ont donc place nette pour se reproduire, et on ne sait rien faire contre elles).

À ce sujet, je vous conseille la page sur l’antibiorésistance de l’ANSES.

Le bio et les nitrates

L’interdiction d’emploi des engrais azotés de synthèse concourt à une moindre pollution environnementale. Les données disponibles montrent globalement des teneurs en nitrates plus faibles dans les légumes biologiques. Cela signifie des rendements plus faibles et un prix plus élevé, certes.

Au final, oui, le bio est meilleur pour l’environnement.

Les vrais avantages du bio

Alors, santé, goût, environnement ?

Stabiliser les sols, constituer et les amender, retenir le carbone, privilégier la prédation et les habitats pour les pollinisateurs… Le gros avantage du bio, c’est ça : les sols. Pas le goût, désolé pour vous.

Et pas non plus les aspects nutritionnels, qui dépendent surtout de vous !

En réalité, si l’on intégrait ces externalités positives (amélioration de l’environnement) dans le prix du bio, et que l’on intégrait le coût des externalités négatives (pollution, réduction de la biodiversité, pollution des nappes phréatiques, mépris du bien-être animal, etc.) dans le prix de l’agriculture traditionnelle, le bio serait beaucoup moins cher que le traditionnel.

Mais le goût, les vitamines… A vrai dire, tant mieux s’ils sont là mais ce n’est pas la question ! Idem pour les conditions de travail des ouvriers agricole, ou la souffrance des bêtes en abattoir. On a perdu ces aspects sociaux et locaux au fil du temps (qui étaient pourtant dans la philosophie bio à l’origine).

Les problèmes du bio

Le bio n’est pas assez intensif. Autrement dit, il demande de grandes parcelles pour produire autant que de l’OGM.
Si pour gagner en proportion d’agriculture bio on est obligé de défricher ou de faire fermer deux fois plus d’exploitations non bio (et donc d’importer ce que l’on a perdu), on ne gagne rien au final.

Voilà pour l’environnement. Et pour le consommateur, c’est aussi payer plus cher pour se faire entourlouper facilement, avec du bio importé de « UE et non/UE », une formule ridicule qui n’ose pas dire le pays alors on vous dit que c’est peut-être l’Europe (ça rassure) mais peut-être pas, ou du bio au rabais bourré de sucre et d’huile de palme bio aux qualités médiocres (bonjour les biscuits bio premier prix !).

L’avis d’Hannibal

Je ne consomme pas 100% bio mais j’essaye de le privilégié quand c’est possible et quand le budget le permet.

Le principal avantage que j’ai trouvé au bio, c’est d’éviter les fruits et légumes dégueulasses des supermarchés.

Mais je pense que ce n’est pas lié au bio mais au distributeur. J’ai la chance d’avoir une petite boutique indépendante de vrac (tendance zéro déchet) et de bio juste en bas de chez moi. Je sais que le gérant connaît personnellement les producteurs, qu’il va visiter leurs fermes et qu’il ne mettra pas sa réputation en danger en vendant des produits dégueulasses.

Pour bien manger, il faut opter pour les circuits courts. Connaître le producteur, ou connaître le vendeur qui connaît le producteur. C’est seulement à cette condition que l’on mange correctement, bio ou pas.

Évidemment, il faut éviter les tomates bio espagnoles hors saison, sous serre et vendues sous film plastique !

Combien de fois j’ai eu des fraises immangeables au Monoprix, des kiwis à la fois mous et durs, des poires qui ont été probablement congelées trois ou quatre fois… Ça c’est une véritable perte d’argent.

Au final, manger local c’est tout aussi bien que bio (même si c’est souvent réservé aux personnes qui vivent dans ce que l’on appelle la PROVINCE). Est-ce que c’est vraiment un cahier des charges bio qui change les choses ? Un label AB ou Ecocert délivré par Bureau Veritas ? Les agricultueurs certifiés bio sont-ils meilleurs que les autres.

Nul besoin d’adhérer à une AMAP : trouvez dans votre marché un maraîcher de la région (et non un déballeur de cagettes Savéol). Cela vous fera autant que bien que de manger bio, à condition de respecter quelques principes simples :

  • Évitez les revendeurs, privilégiez les producteurs. S’il y a des bananes de Côte d’Ivoire et des cagettes Savéol, vous savez que ce n’est pas local
  • Privilégiez les produits de saison : l’agriculture raisonnée est aussi fonction de la demande des consommateurs
  • Essayez de comprendre pourquoi certains prix sont cassés
  • Discutez ! Les clients réguliers seront ravis de vous aiguiller vers les producteurs qu’ils jugent les meilleurs
  • N’ayez pas peur de tester plusieurs commerçants avant d’offrir votre fidélité. Vous ne risquez pas grand-chose 🙂

Pour aller (encore) plus loin

Arte : les dérives de l’industrialisation du bio

France 5 : Alimentation biologique : que vaut le bio pas cher des supermarchés ?

Quel est votre avis sur les produits issus de l’agriculture biologique ? Je serai ravi de lire vos réactions « à chaud » en commentaire.

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